De la misogynie comme vexation (Anton. S)


Un jour je demandais à une de mes professeures de philosophie pourquoi la majorité des hommes - grands hommes y compris - avaient des tendances misogynes. Sa réponse fut simple et sans détour :

- « Mais parce que ce sont des hommes ! »

Une réponse sexiste qui sonnait comme une représaille bien méritée, et qui loin d’être dénuée de sens, appelait à s'attarder plus attentivement sur ses fondations souterraines.

Il existe chez les hommes une construction de l'identité virile qui se réalise à travers une pratique de la sexualité. Identité qui prend toute son importance quant au fait qu'elle influe directement autant sur le rapport à soi que sur le rapport aux autres. Les hommes s'identifient autant qu'ils sont identifiés en tant que tel en partie par le biais de leurs expériences sexuelles. Il faut rajouter à cela qu'ils subissent des assauts constants de pulsions sexuelles assez puissants pour qu'ils en viennent à tomber sous une double dépendance, autant naturelle que culturelle, quant à leur objet de désir - la femme -, et par là de subir du même coup une blessure à l'orgueil. Cela par le fait que l'identité virile, principe actif par excellence, tombe inévitablement dans une contradiction entre la nécessité de sa construction sexuelle active, et l'idée inacceptable pour elle de devoir dépendre de son objet de désir qu'elle ne voudrait que posséder.

La misogynie serait dans ce sens un aveu de faiblesse et une tentative d’autorégulation, ou plus précisément l’opposition d’une croyance à un désir inéluctable. Par la vexation causée par leurs penchants intarissables, les hommes se vengent donc par une considération diminuée de la nature de la femme. Ils voudraient transformer leurs désirs sexuels qui les réduisent en quasi-esclavage en une croyance de pseudo-supériorité sur elle. Par là ils tentent de reprendre un contrôle sur eux-mêmes qu’ils n’arrivent pas à obtenir, et n’arrivent finalement qu’à ne clamer une chose :

« Nous sommes trop faibles pour faire face à nous-mêmes, déplaçons donc le problème ailleurs, c’est-à-dire dans la nature même de la femme. Si nous ne pouvons rien faire face à nos pulsions sexuelles et leurs élans d'accomplissement, alors nous sommes à genoux devant la femme ainsi que devant nous-mêmes et cela est inacceptable pour notre dignité virile. Transformons-la en simple objet de plaisir, comme une simple chose que nous aimons à posséder en pleine volonté, mais jamais par nécessité. Par là, nous nous donnerons l’illusion de nous délivrer de notre asservissement envers elle. »

8 commentaires:

  1. Je suis tout a fait d'accord avec tout cela qui est à la fois très clair et très vrai. Et pourtant je vais essayer d'aller plus loin dans cette analyse.

    Et si la misogynie n'était qu'un moment dans la dialectique de la construction de la virilité.
    1) Romantisme.
    2) Misogynie; déçu de ses illusions romantiques l'homme essaye de juger plus objectivement la femme qu'il aime. Mais ce faisant il passe d'un extrême à l'autre, il ne voit plus que les défauts. Ce processus lui aide à se dépouiller de son amour trop absolu et lui permet de retrouver du plaisir dans des comportements qu'il aurait aboli dans sa période romantique: match de foot avec les collègues, grosses cuites, mains au cul, etc...
    3) Réalisme.

    Si par la misogynie nous nous donnons l'illusion de nous délivrer de notre asservissement à notre besoin d'amour (qui tient autant de la sexualité, de la culture, et du simple besoin d'une personne), de par une pratique dite réaliste de l'amour, à définir par ailleurs, ce qui implique "de faire face à soi même" pour reprendre les termes énoncés, n'est-il pas possible de se libérer d'un désir que tu qualifies d'inéluctable?
    Ou encore et de façon plus machiavélique et moins péremptoire, d'acquérir une certaine gestion du désir qui constituerai l'essence de la virilité, un certain détachement qui tient aussi du principe d'orgueil que tu évoquais, sans pour autant être un repli sur soi...

    D'où un retour sur l'anecdote de ton vieux professeur de philosophie « Mais parce que ce sont des hommes !». Et si c'était juste une boutade, un test pour juger de ton état d'esprit? On prêche souvent le faux pour savoir le vrai... Entre homme ce genre de propos machistes si ils ne sont pas dit et pensés au premier degré peuvent aussi être une façon de se tester et même de créer une certaine solidarité de genre qui est à mon avis indispensable pour ne pas aller vers la femme en rejetant les hommes; c'est à dire en faisant preuve de ce qu'on pourrait nommer féminisme fantasmagorique amoureux.

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour à vous,

    Mai n'est pas encore là, pour autant, comment fait-on pour participer à ce blog de blablateurs, et poster les quelques idées, humbles c'est certain, qui nous remuent les tripes ? Désolé si ce n'est pas l'endroit, au pire vous supprimerez ce message.

    Merci ! Arlekin... :)

    RépondreSupprimer
  3. Tu peux me contacter sur fouillerdanslespoubelles@gmail.com (c'est un peu long certes)

    RépondreSupprimer
  4. Salut bande de blogueurs de pacotilles (me remerciez pas du compliment, ca vient du coeur) c'est leborgne à l'appareil. Bon alors j'ai eu une sorte d'éclair de lucidité (ouai c'est bizarre, un éclair ça éclaire pas, ça aveugle. Bref). Je voulais vous dire un truc concernant les hommes féministes, et notamment à toi Albert. C'est une question en fait. Est-ce que tu penses qu'il est possible que tu te sois identifié à la cause féministe avant de devenir myso, parce que tu avais peur des femmes ?

    RépondreSupprimer
  5. Bah un éclair si ca n'éclaire pas, ca à le mérite de frapper sans crier gare avec intensité violente. Moi j'aime bien le mot " épiphanie" ( « manifestation, apparition soudaine ») est la compréhension soudaine de l'essence ou de la signification de quelque chose.) Meme si ca sonne un peu religieux , c'est pas interdit de leurs arracher le sens des mots.

    Meme si je ne suis pas Albert et comme il doit être occupé à des choses plus saines dans sa nature, je me permet de répondre aussi. Au début je ne comprenais pas le lien que tu faisais entre féminisme et peur des femmes. D'ailleurs je ne comprends toujours pas tout à fait! Ma seule petite idée c'est "J'ai peur des femmes, il me faut un angle d'approche que celui imposer par le modèle de base de gros bourrin, je vais choisir quelque chose plus en phase avec ma nature de sensible à la con, je vais devenir féministe" Hypothèse qui me semble pas tout à fait dénué de sens. Quand j'ai écris " De la misogynie comme vexation" c'est évident que cette motivation devait me fournir du carburant bien planqué derrière des buissons épais de bons sentiment.

    RépondreSupprimer
  6. (Ce qui est une erreur, les femmes détestent les hommes féministes , du moins quand ils tentent leurs grimper dessus)

    RépondreSupprimer
  7. Oui en fait le lien entre peur, identification et désir mérite d'être étayé. Tu vois quand j'étais ptit et que je me retrouvais seul dans ma grande ferme à la cambrousse, je flippais des monstres dans l'obscurité. Bah la stratégie que j'ai employé, c'est me décréter roi des monstres ! Je pense aussi au syndrome de Stockholm, où la victime d'un kidnapping ou d'une prise d'otage en vient à s'identifier à son bourreau puis à l'aimer, à prendre parti pour lui, à minimiser les faits à lui trouver de bonnes raisons etc. Et quelque part je pense que la peur pousse à essayer de rentrer à la place de l'objet qui la provoque pour désamorcer l'aspect étranger et dangereux. La connaissance joue un rôle essentiel là dedans. Au fond je flippe des meufs, alors je vais essayer de comprendre comment elles fonctionnent, je vais essayer de les connaître pour les rendre moins effrayantes et je vais m'identifier à leurs causes (féminisme). La mort c'est pareil, et ça donne la philosophie je crois. J'essaie de comprendre la vie et la mort, l'existence, ce qu'est l'Être parce que putain c'est l'angoisse et le seul moyen de calmer ça, c'est de rendre familier et inoffensifs tous ces trucs absurdes qui me tombent dessus sans prévenir.

    RépondreSupprimer
  8. "La mort c'est pareil, et ça donne la philosophie je crois. " ( et tout le reste) Merde. J'adhère complètement. Ca rejoins complètement mes idées sur la régulation (pour le coup régulation d'une peur par une connaissance).

    "Bah la stratégie que j'ai employé, c'est me décréter roi des monstres !" Lis tout de suite Max et les maximonstres

    http://cdn-premiere.ladmedia.fr/var/premiere/storage/images/fluctuat/cinema/news-videos/max-et-les-maximonstres-la-version-avortee-de-disney/57741248-1-fre-FR/Max-et-les-maximonstres-la-version-avortee-de-Disney_w670_h372.jpg

    RépondreSupprimer