Le besoin d'une personne (Albert)

Une décennie de pets m'a décimé le cul. J'adore l'odeur du choux digèré et rendu.

La solitude impose une inertie de tous les instants. La compagnie permet l'oubli de soi et du temps, ou du moins leur mise en retrait. Au contraire, le solitaire est toujours face à un néant qu'il faut remplir d'activités; l'action étant encore le meilleur moyen de dompter ce vide dévorant. Entre deux activités il y a un gouffre de perplexité, de questionnements. Ce ne sont pas ces questions existentielles qui m'intéressent ici, mais les conditions matérielles et psychologique qui les autorise. Et toujours le besoin d'une personne à qui raconter quelque chose, un élément significatif, partageable de sa journée, et toujours ce besoin de partager une cigarette et un café.

AUTONOMIE ÉCONOMIQUE
DÉPENDANCE AFFECTIVE

Le besoin d'une personne c'est bien sur le besoin d'un groupe de personnes car à force de se frotter on s'irrite. L'herbe est toujours plus verte ailleurs. Mais au besoin d'une personne correspond aussi le besoin d'un lieu ou réside cette ou ces personnes. Ce lieu qu'on appelle "pays" ressemble aussi à d'autres lieux. Cette personne pourrait être remplacée par cette personne, pourtant elle est unique.

Comprendre ce que sont un col, et un plateau, visuellement, dans le paysage. Voir ce col de chemise de géant et ce grand plateau recouvert d'une nappe d'arbustes et de cailloux comme des lieux de vie ou de passage, ce fut pour moi une satisfaction. Le mont Fuji existe en face de chez moi, il s'appelle aussi le mont Ventoux, suite à un accident nucléaire peut-être qu'une vague géante venue du Rhône viendra compléter le tableau? Transhumance jusqu'à Lyon: ville romantique avec ses collines, sa géographie et son histoires. Lugdunum. Revoir les premiers néolithiques s'installer ici ou là sur la petite presqu'île... Au lieu de ça:

"On a pas le choix."
"Sauvez nos emplois."
"On a pas le choix."
"On a toujours habité là."
"On a pas le choix."
"Pour nos enfants notre crédit."
"On a pas le choix."
"Travail Famille Patrie."

Je devrais être un bon vivant poussé à l’extrême (Bernard) mais je suis mélancolique comme un slave. J'ai l'âme dépréciative et le cœur gros. Surtout le soir, quand je n'arrive pas à dormir. L'armure se lézarde. J'ai envie de dire je t'aime et je m'excuse. Objectivement je me trouve ignoble. Et pourtant je sais parfaitement que cette faiblesse de cœur n'est que passagère, mais récurrente; demain je redeviendrai dur comme un marbre, sûr de moi car la fierté ça aide. Mais quand on s'en dépouille (mais n'en est-on pas plutôt dépouillé par la nuit?) on a de nouveau quatorze ans.
Alors revient plus fort encore le besoin d'une personne, le besoin de la serrer contre soi, ce qu'on n'ose jamais faire en temps normal. Il faudrait profiter à fond de la personne regrettée comme si elle était déjà morte, au lieu de cela on se livre sans cesses à nos petits jeux pervers, à nos petites atrocités du quotidien.

Tout d'abord, une petite cabane dans les bois, quatre ou cinq hectares de terrain. Un fusil, des munitions, un couteau, des outils. Des chats. Une radio. Une personne du sexe opposé en âge de copuler, des amis et un paysage à contempler. Pour que le temps ne soit plus seulement l'oubli de sa fuite et la répétitions de facteurs aliénants et de jouissances expiatoires mais la dimension toujours régénératrice d'une existence sereine et autonome que ne viendrait plus mordiller les spectres morbides de l'isolement et l'angoisse réaliste à la folie d'une fin prochaine et d'une détérioration même des conditions de vie.

La question est alors la suivante. Si sacrifier sa vie pour une broutille au nom d'idées révolutionnaires n'est pas un comportement adéquat, comment exprimer la détermination totale à s'approprier son milieu et à continuer toutes les choses qui donnent en gros envie de vivre ici?

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