Eloge de la résignation (Albert)


Dans le grande tradition des auteurs romains voici un éloge de la résignation que j'ai écrit il y a quelques années, on est tout autant dans la rhétorique que dans la philosophie, mais après tout n'est on pas là pour faire éclater ces catégories toujours trop restrictives?

Lorsque nous entreprenons de mener quelque projet à terme selon un plan fixé par nous même, il arrive fréquemment que des évènements inattendus viennent perturber la réalisation de ce plan.Si ces éléments perturbateurs sont assez importants pour qu'il nous semble que notre projet soit en fait beaucoup plus dur à réaliser que nous ne l'imaginions, nous sommes pris par le découragement.Nous préférons alors abandonner notre projet, et renoncer à ses bénéfices plutôt que de subir encore et encore de nouvelles épreuves qui, nous semble-t-il, nous serons plus coûteuses que les bénéfices escomptés.

Il est des personnes qui se découragent si facilement, qu'ils n'entreprennent plus rien, de peur de rencontrer le moindre obstacle, la moindre contrariété. Ceux là sont des tristes sires, dont la vie se réduit à des actions habituelles qui pourraient tout aussi bien être effectuées par un automate.Car, en effet, l'adaptation à des situations changeantes, la résolution de problèmes sur le tas, telle est la caractéristique de l'homme habile et débrouillard, de l'aventurier qui, pour échapper à l'ennui est prêt à se lancer dans les entreprises les plus risquées, les plus difficiles, les plus palpitantes.Le sage, n'est ni l'homme du découragement, ni l'homme de l'aventure. Lorsqu'il entreprend d'accomplir quelque chose, il le fait sans précipitation, et en connaissance de cause. Il a parfaitement conscience que cette entreprise peut échouer et il est tout à fait résigné à cette possibilité.

 L'homme qui s'acharnerait contre vents et marée, à poursuivre un projet irréalisable, qui y perdrait toutes ses forces et même la vie, est un héros digne de la plus grande curiosité et un fou. Le joueur qui perdrai toutes ses économies aux jeux du hasard et continuerai à jouer est un adorateur du destin dénué de toute liberté.

 Ainsi, qui sait arrêter à temps, qui sait sauter du wagon en marche avant que la vitesse ne soit trop élevée pour espérer ainsi s'extraire du train sans tomber trop mal, celui là fait preuve de sagesse. La résignation quotidienne, généralisée à l'égard de tous les phénomènes possibles de la vie est l'aliénation la plus haute à laquelle l'homme puisse parvenir, et elle n'est que la forme négative du fatalisme, alors que l'espoir sans limites du joueur en est la forme positive. Mais la résignation ponctuelle, le fait de renoncer à une solution déterminée parce que les données du problème ont changé, cela est chose fort utile dont seuls les esprits les plus bornés diront qu'elle est une forme de déni de soi.

 Le véritable déni de soi c'est de ne pas reconnaître que l'homme peut s'égarer sur des routes qui ne mènent nulle part. Et à ce moment là, c'est encore un progrès que de faire marche arrière.

La résignation est un suicide quotidien. [Honoré de Balzac]

Je fais des voeux pour eux [mes bienfaiteurs], moi qui ne prie jamais Dieu, et qui me contente de la résignation. [Voltaire, Correspondance]

Gardez-vous bien d'attaquer le caractère d'Iphigénie [dans Racine] ; sa résignation est un enthousiasme de quelques heures. [Diderot, Lettres à Sophie Voland]

La première loi de la résignation nous vient de la nature. [Rousseau, Émile, ou De l'éducation]

L'innocence inspire facilement la résignation. [Genlis, Veillées du château t. I, p. 366, dans POUGENS]

La pure et entière résignation de soi-même, pour obtenir la liberté du coeur. [Corneille, Lexique, éd. Marty-Laveaux]

7 commentaires:

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  2. Putain des citations en plus! Tu lis vraiment et tout? Pourquoi je passe moi hein?!

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    1. Non à l'époque j'avais tapé citations sur la résignations dans un moteur de recherche.

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  3. La vrai question: Qu'est ce que les penseurs entreprennent vraiment sinon la pensée? Je veux dire ont à parfois l'impression qu'ils ne rêvent que d'une chose: qu'on leurs coupe la tête du reste du corps et qu'elle continue à penser gisant à terre. Le réflexe de la pensée première c'est avant tout le réflexe de la non-action.

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  4. très interessant, va falloir qu'on fasse fumer nos neurones. En tout cas merci au blog d'Olivier pour cette découverte

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  5. La pensée Jules me semble être la pour jouer la conductrice. Elle n’empêche pas l'action dans l'idéal , elle devrait même la diriger dans le bon sens. Le problème c'est que le penseur occidental (en général) se contente de l'utiliser pour regarder tout les endroits possible ou diriger son action mais ne fait pas grand chose de plus. Comme tu dis il manque l'émotion pour amener le carburant et ce moteur la par chez nous ,crois moi , il est bien rouillé au mieux et à l'état d'épave au pire.

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  6. Je suis d'accord avec Mona avec les penseurs qui ne sortent pas de la pensée les fonctionnaires de la pensée, les pédagogues, les spécialistes.

    Et en même temps si on laisse la pensée à ces gens là on se dépossède aussi d'une arme ou d'un outil pour "diriger l'action" comme vous dites.

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